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Auteur | Message |
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Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 16:09 | |
| Robert Bresson : Une femme douce 1969 Encore un très grand film. C'est le deuxième Bresson tourné en couleurs que je vois - l'autre étant Quatre nuits d'un rêveur ; les films de Bresson tournés en couleur ont quand même une autre tonalité même s'ils sont parfaitement cohérents avec la notion de cinématographe. Je trouve qu'ils s'intègrent encore plus dans leur temps - d'autant plus que Bresson ajoute des éléments chronologiquement contextuels : la télévision, le musée d'art moderne dans ce film ou l'intermède musical dans Quatre nuits d'un rêveur - et semblent encore plus troublants/radicaux. Je n'ai pas lu la nouvelle de Dostoïevski et je ne sais donc pas dans quel mesure Bresson a adapté cette dernière. Le film commence fort, la première scène est très belle, très concise et présenté dans une logique curieuse : tremblement du mobilier de balcon, klaxons des voitures en bas (conséquences), brève suspension au vol du châle blanc puis plan immédiat sur le cadavre de la femme (cause). Le blanc (rappel de la pureté) est d'ailleurs omniprésent sur le personnage joué par Dominique Sanda, tout comme les plans à caractère carcéral (le cadavre posé sur le lit les pieds coincés entre les barreaux, la séquence au zoo derrière le grillage, la séquence où le mari à la tête entre deux barreaux d'un pont). Ce qui frappe, c'est la distance et l'incompréhension entre les deux protagonistes: l'homme est véritablement matérialiste (la séquence de la vente de la croix portant le christ est très significative, et même son métier - qui est le principal élément constitutif de son identité dans le film puisqu'on ne connaît rien sur lui) alors que la femme semble vendre tous ses objets pour acheter des livres, se rend au musée, au théâtre et semble connaître très bien Hamlet. En parlant de Hamlet, la séquence au retour du théâtre est assez parlante sur le cinéma de Bresson, je trouve. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 16:35 | |
| - Emeryck a écrit:
- l'intermède musical dans Quatre nuits d'un rêveur
Et tu as vu L'Argent? |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 17:01 | |
| - Benedictus a écrit:
- Emeryck a écrit:
- l'intermède musical dans Quatre nuits d'un rêveur
Et tu as vu L'Argent? Pas encore, je poursuis dans l'ordre chronologique avec ceux que je n'ai pas encore vus, ce sera donc : Lancelot du lac, Le diable probablement puis L'argent. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 17:13 | |
| La diable probablement est plus déconcertant, mais Lancelot et surtout L'Argent font vraiment partie de mes préférés (le rythme de L'Argent!) |
| | | Stefano P Mélomaniaque
Nombre de messages : 1404 Date d'inscription : 30/08/2018
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 17:20 | |
| - Benedictus a écrit:
- La diable probablement est plus déconcertant, mais Lancelot et surtout L'Argent font vraiment partie de mes préférés (le rythme de L'Argent!)
Oui, Le Diable probablement, c'est plus discutable, avec tout le discours écolo prémonitoire certes, mais un peu plaqué, c'est un des Bresson que j'aime le moins (à part le titre, génial), mais Lancelot, c'est formidable, et L'Argent, c'est un de mes films préférés, un des sommets du cinéma tous pays et toutes époques confondus... |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6882 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 17:39 | |
| Je n'ai pas vu Le Diable probablement ni Les Quatre nuits d'un rêveur, j'ai beaucoup de mal avec Lancelot et j'ai un peu l'impression que Bresson est perdu dans cette histoire de chevalerie qu'il voudrait intérioriser a la maniérè de ses autres films sans pouvoir échapper a une dimension épique qui me parait antinomique par rapport a son style. L'Argent c'est très bien mais ça me touche très peu, en revanche j'avais adoré Une Femme douce! Mais d'une manière générale je préfère ses films en noir et blanc quand même. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 17:44 | |
| - Parsifal a écrit:
- J'ai beaucoup de mal avec Lancelot et j'ai un peu l'impression que Bresson est perdu dans cette histoire de chevalerie qu'il voudrait intérioriser a la maniérè de ses autres films sans pouvoir échapper a une dimension épique qui me parait antinomique par rapport a son style.
C'est effectivement la question que je me posais. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 17:57 | |
| - Parsifal a écrit:
- j'ai un peu l'impression que Bresson est perdu dans cette histoire de chevalerie qu'il voudrait intérioriser a la maniérè de ses autres films sans pouvoir échapper a une dimension épique qui me parait antinomique par rapport a son style.
Je ne vois vraiment rien de tout ça dans ce très beau film. Ne le prends pas mal, mais autant je peux comprendre que tu accroches peu, autant ce que tu en dis, ça me fait l'impression d'un argument a priori et un peu plaqué. (Tu devrais quand même essayer de regarder les Quatre Nuits, c'est un film qui possède une espèce de grâce, de poésie délicate...) |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 19:02 | |
| [Mode troll on] Vous ne trouvez pas qu'au fond les films de Bresson, c'est toujours la même chose ? Le formalisme, le monde cruel, l'histoire du héros sacrificiel ... ça va, on a compris ... [/Mode troll off] |
| | | Stefano P Mélomaniaque
Nombre de messages : 1404 Date d'inscription : 30/08/2018
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 20:00 | |
| - docteur mabuse a écrit:
- [Mode troll on]
Vous ne trouvez pas qu'au fond les films de Bresson, c'est toujours la même chose ? Le formalisme, le monde cruel, l'histoire du héros sacrificiel ... ça va, on a compris ... [/Mode troll off] Mmmouais, ce que tu dis pourrait être repris pour tout artiste depuis, disons, Homère : le formalisme, c'est le style ; le monde cruel, c'est le monde ; et le héros sacrificiel, c'est l'être humain. En fait, on a compris depuis L'Odyssée, mais pour ma part, je ne m'en lasse pas... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 20:28 | |
| Oh, pour tous les artistes ?! - Spoiler:
J'aurais tendance à penser que Bresson était alors un peu trop complaisant avec le concept. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 21:06 | |
| - docteur mabuse a écrit:
- [Mode troll on]
Vous ne trouvez pas qu'au fond les films de Bresson, c'est toujours la même chose ? Le formalisme, le monde cruel, l'histoire du héros sacrificiel ... ça va, on a compris ... [/Mode troll off] Oui toujours pareil comme les compositeurs qui mettent les notes au hasard, ça !! |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 23:23 | |
| Je comprendrais surtout qu'on puisse être agacé par le christianisme obsessionnel (et passablement jansénisant) de Bresson - l'esthétique hiératique et dépouillée, la thématique du péché, de la rédemption et du mystérieux cheminement de la grâce, la dénonciation du monde corrompu et du matérialisme, les figures christiques... Sans même parler du référent: Les Anges du péché, deux fois Bernanos, deux fois Dostoïevski, la symbolique du Graal, Jeanne d'Arc, le projet d'adaptation de la Genèse... Là pour le coup, je conçois qu'on puisse dire «ça va, on a compris», si on est un peu allergique à tout ça. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 23:46 | |
| - Benedictus a écrit:
- Je comprendrais surtout qu'on puisse être agacé par le christianisme obsessionnel (et passablement jansénisant) de Bresson - l'esthétique hiératique et dépouillée, la thématique du péché, de la rédemption et du mystérieux cheminement de la grâce, la dénonciation du monde corrompu et du matérialisme, les figures christiques... Sans même parler du référent: Les Anges du péché, deux fois Bernanos, deux fois Dostoïevski, la symbolique du Graal, Jeanne d'Arc, le projet d'adaptation de la Genèse... Là pour le coup, je conçois qu'on puisse dire «ça va, on a compris», si on est un peu allergique à tout ça.
Honnêtement, je sais pas ; j'ai l'impression que j'ai un peu de mal avec tout ça - j'ai par exemple du mal avec le miracle de la fin d' Ordet de Dreyer - mais chez Bresson, ça ne me gêne pas du tout - à part peut-être pour Les anges du péché que j'aime un peu moins. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Mer 29 Mai 2019 - 23:57 | |
| - Emeryck a écrit:
- chez Bresson, ça ne me gêne pas du tout
Oui, pour ne rien te cacher, ça m'a même un peu surpris. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 0:07 | |
| Hirokazu Kore-eda : Nobody knows 2004 + Qu'est-ce que c'est beau, tout de même. Cette affiche représente mieux la candeur dans laquelle baigne le film. Ici, Kore-eda commence à s'atteler à un thème qui sera capital dans son cinéma par la suite : la famille, souvent partielle, déficiente. Ici, le père est absent et la mère est très fantasque, très souvent absente, dès le début du film, le rôle qu'endosse Akira est déjà net : un bref plan sur son visage et on le voit immédiatement avec des sacs remplis de provisions. Une fois la mère définitivement partie - n'existant plus que par quelques lettres comportant essentiellement toujours le même message - la caméra se met à hauteur de tatami et le film déploie une ambiance assez sereine, ponctuée par des répétitions ; petit à petit, l'appartement devient de plus en plus bordélique et la situation de plus en plus compliquée mais Akira garde toujours une force incroyable - grande performance de l'acteur, d'ailleurs - et les trois autres gardent toujours le cap qui est maintenant comme un leitmotiv : le petit piano rouge, les jeux. La caméra est également d'une grande pudeur - je pense notamment à la fin qui est absolument remarquable avec les plans très délicats sur les mains, notamment, très communicatifs - mais la caméra traduit très bien l'émerveillement des enfants - cf. la scène du monorail dans le milieu du film. - Spoil:
Il y a également la séquence du pot de fleur qui tombe et se brise juste avant la mort de la petite Kyoko dont la mort est évoquée sans aucun excès de grandiloquence, toujours avec ces plans de mains ; et le plan à la fin, l'enterrement de Kyoko dans la valise dans laquelle elle était arrivée, et puis le monorail qui fuit au loin, peu avant le plan d'avion - réminiscence du père.
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| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6882 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 0:14 | |
| - Benedictus a écrit:
- Parsifal a écrit:
- j'ai un peu l'impression que Bresson est perdu dans cette histoire de chevalerie qu'il voudrait intérioriser a la maniérè de ses autres films sans pouvoir échapper a une dimension épique qui me parait antinomique par rapport a son style.
Je ne vois vraiment rien de tout ça dans ce très beau film. Ne le prends pas mal, mais autant je peux comprendre que tu accroches peu, autant ce que tu en dis, ça me fait l'impression d'un argument a priori et un peu plaqué. C'est tout a fait possible, puisque j'aime beaucoup Bresson par ailleurs, c'est le seul film que j'ai vu de lui que je n'ai vraiment pas aimé et je ne l'ai pas revu depuis longtemps (a part de courts extraits ça et là). Je peux juste dire que je me souviens d'avoir trouvé qu'il y avait comme une tension entre le style je répète très intériorisé de Bresson ( c'est peut être un raccourcis mais je ne pense pas que ça soit faux)les aspects plus spectaculaires inévitables de la légende de Lancelot. Sans doute aussi que le traitement de Bresson ne correspond pas a mes attentes plus "hollywoodienne" pour une telle histoire (il y a de belle scène, y compris dans ces aspects "épique" mais je n'ai pas trouvé que l'ensemble fonctionnait...). A contrario un film que je n'aime pas d'une réalisateur que je n'aime pas comme Perceval le gallois, dans une perspective certes très différentes de Bresson, me parait former un tout plus cohérent, en tout cas je ne ressent aucune tension interne entre les intentions et le résultat. Si je n'aime pas c'est parce que le projet dans son fondement ne me plait pas, dans Bresson il y a plein de choses qui devrait me plaire mais je n'arrive pas rentrer dans l'ensemble. Mais c'est film que je n'ai pas revu et comme ça m'avait un peu barber (sans pour autant susciter en moi une hostilité qui m'aurait pousser à regarder très attentivement pour bien saisir ce que je n'aime pas) je l'ai sans doute regarder distraitement d’où un souvenir un peu flou et sans doute inexacte. Je ressayerais un jour mais pas tout de suite. Par ailleurs je répète je suis très réceptif a Bresson (à ses thèmes comme a son style) et même si je trouve le temps un peu long devant L'Argent je reste convaincu de la réussite du film. C'est vraiment Lancelot qui coince. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 0:54 | |
| - Parsifal a écrit:
- Sans doute aussi que le traitement de Bresson ne correspond pas a mes attentes plus "hollywoodienne" pour une telle histoire
Possible... D'ailleurs, je crois que tu es assez fan d' Excalibur, non? (Moi, je suis justement très sensible à ce côté non-holywoodien, presque cheap - ces armures cabossées et ternes qui cliquètent et qui grincent à chaque mouvement...) - Parsifal a écrit:
- (il y a de belle scène, y compris dans ces aspects "épique" mais je n'ai pas trouvé que l'ensemble fonctionnait...)
C'est vraiment une impression qui ne recoupe pas du tout la mienne. - Parsifal a écrit:
- même si je trouve le temps un peu long devant L'Argent
Je comprendrais qu'on trouve à redire sur l'espèce de mocheté volontaire de l'image ou sur le jeu presque caricatural des acteurs modèles mais trouver le temps long? Moi, c'est au contraire le rythme, la vitesse de ce film, son mouvement cinétique de ce film qui m'ont frappé. |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6882 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 1:22 | |
| - Benedictus a écrit:
- Parsifal a écrit:
- Sans doute aussi que le traitement de Bresson ne correspond pas a mes attentes plus "hollywoodienne" pour une telle histoire
Possible... D'ailleurs, je crois que tu es assez fan d'Excalibur, non? (Moi, je suis justement très sensible à ce côté non-holywoodien, presque cheap - ces armures cabossées et ternes qui cliquètent et qui grincent à chaque mouvement...) Je suis très fan d' Excalibur en effet, même si je me rend compte en écrivant que c'est finalement assez différent des variations hollywoodienne sur la légende arthurienne je pense aux Chevaliers de la table ronde de Thorpe ou de manière un peu indirect au Prince vaillant d'Hathaway (deux films auxquels je suis assez attaché également, la naïveté très premier degrés du Thorpe est assez belle dans son genre, pas autant que dans son Ivanhoé cela dit, et le deuxième est un merveilleux film d'aventures, et surtout un film d'enfance), mais je suis effectivement plus sensible a l'alternance d'emphase opératique et de kitsch parodique du Boorman qu'a la grisaille un peu uniforme de Bresson. cet aspect cheap je me souviens qu'il marchait bien sur certaine scène entre Lancelot et Guenièvre. Le caractère elliptique de la représentation des combats (j'ai le souvenir d'un tournoi assez fascinant même si très, trop, répétitif, sans doute volontairement). Mais a d'autres moment ça ressemble plus au combat contre le chevalier noir dans Sacré Graal qu'a autre chose (je viens justement de revoir les premières images du film de Bresson, c'est flagrant). Je comprend bien le parti pris anti-spectaculaire de Bresson son refus de reproduire un moyen age de cinéma artificiel mais j'avais trouvé que justement ont touché peut être au limite du système Bresson de ce point de vue là. Cette table ronde très cheap ça détourne presque autant l'attention de l'essentiel qu'un décors hollywoodien en carton pâte, en tout cas ça m'avait gêné. - Benedictus a écrit:
- Parsifal a écrit:
- même si je trouve le temps un peu long devant L'Argent
Je comprendrais qu'on trouve à redire sur l'espèce de mocheté volontaire de l'image ou sur le jeu presque caricatural des acteurs modèles mais trouver le temps long? Moi, c'est au contraire le rythme, la vitesse de ce film, son mouvement cinétique de ce film qui m'ont frappé. Oui le film est court et elliptique, mais justement chaque fois que je l'ai vu (et j'y suis revenu plusieurs fois) j'ai senti le temps passé, probablement en grande partie a cause de la mocheté de l'image et de l'aspect caricaturale des modèle (le dialogue du début avec cette adolescent impavide qui dit "c'est beau un corps" me fait toujours venir un sourire un peu moqueur). Je n’adhère pas totalement et cette sécheresse du style me laisse une impression de vide. D'une manière général ce qui me gène dans le Bresson en couleur c'est comme tu dit ce côté terne des couleurs justement, cette image toujours un peu sale et sans les séduction photographiques de ses films en noir et blanc. Bon je répète quand même j'aime bien L'Argent malgré tout et j'adore Une Femme douce. |
| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33411 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 9:34 | |
| - Emeryck a écrit:
- Hirokazu Kore-eda : Nobody knows
2004
+ Qu'est-ce que c'est beau, tout de même. Cette affiche représente mieux la candeur dans laquelle baigne le film. Ici, Kore-eda commence à s'atteler à un thème qui sera capital dans son cinéma par la suite : la famille, souvent partielle, déficiente. Ici, le père est absent et la mère est très fantasque, très souvent absente, dès le début du film, le rôle qu'endosse Akira est déjà net : un bref plan sur son visage et on le voit immédiatement avec des sacs remplis de provisions. Une fois la mère définitivement partie - n'existant plus que par quelques lettres comportant essentiellement toujours le même message - la caméra se met à hauteur de tatami et le film déploie une ambiance assez sereine, ponctuée par des répétitions ; petit à petit, l'appartement devient de plus en plus bordélique et la situation de plus en plus compliquée mais Akira garde toujours une force incroyable - grande performance de l'acteur, d'ailleurs - et les trois autres gardent toujours le cap qui est maintenant comme un leitmotiv : le petit piano rouge, les jeux. La caméra est également d'une grande pudeur - je pense notamment à la fin qui est absolument remarquable avec les plans très délicats sur les mains, notamment, très communicatifs - mais la caméra traduit très bien l'émerveillement des enfants - cf. la scène du monorail dans le milieu du film.
- Spoil:
Il y a également la séquence du pot de fleur qui tombe et se brise juste avant la mort de la petite Kyoko dont la mort est évoquée sans aucun excès de grandiloquence, toujours avec ces plans de mains ; et le plan à la fin, l'enterrement de Kyoko dans la valise dans laquelle elle était arrivée, et puis le monorail qui fuit au loin, peu avant le plan d'avion - réminiscence du père.
Oui, chef d'œuvre ! _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Stefano P Mélomaniaque
Nombre de messages : 1404 Date d'inscription : 30/08/2018
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 10:17 | |
| - Benedictus a écrit:
- Je comprendrais surtout qu'on puisse être agacé par le christianisme obsessionnel (et passablement jansénisant) de Bresson - l'esthétique hiératique et dépouillée, la thématique du péché, de la rédemption et du mystérieux cheminement de la grâce, la dénonciation du monde corrompu et du matérialisme, les figures christiques... Sans même parler du référent: Les Anges du péché, deux fois Bernanos, deux fois Dostoïevski, la symbolique du Graal, Jeanne d'Arc, le projet d'adaptation de la Genèse... Là pour le coup, je conçois qu'on puisse dire «ça va, on a compris», si on est un peu allergique à tout ça.
Oui, mais bon, on pourrait dire la même chose pour Bach et même pour Mozart, avec leurs profusions de messes et de Passions, et en peinture pour Giotto, Fra Angelico, Caravage et tant d'autres, avec tous ces anges, ces madones et ces Christ en croix ; et en littérature : Bossuet, Pascal, Chateaubriand, Claudel, Bernanos. C'est quand même aussi du grand art, tout ça... Plus sérieusement, il n'y a rien de saint-sulpicien chez Bresson, et un film comme Pickpocket ou L'Argent (et même Balthazar ou Une femme douce finalement) pourrait tout à fait être interprété d'un point de vue matérialiste (et pourquoi pas marxiste, je pense par exemple au cinéma de Gérard Blain, très inspiré par Bresson du point de vue formel mais au contraire du Maître totalement matérialiste). Dans cette oeuvre-là, on est au cœur de la métaphysique, de la poésie (et même de la sensualité, il ne faudrait pas l'oublier !) la plus brûlante ; ceux qui n'y verraient que des bondieuseries auraient une vison très superficielle de ces films prodigieux... |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6882 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| | | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 11:21 | |
| Robert Bresson : Lancelot du lac 1974 + J'ai bien aimé mais pas autant que les Bresson que j'ai regardés dernièrement - c'est très certainement dû au peu d'affinité que j'ai pour cette période, à cause de laquelle j'ai toujours repoussé le visionnage de Perceval le Gallois de Rohmer. Je n'ai pas trouvé qu'il y avait un conflit entre le caractère "épique" et le style bressionnien ; au contraire, j'ai trouvé que les joutes étaient traitées sous un angle particulièrement dynamique ou plutôt cinétique qui ne me semble pas hors-propos - qui se retrouve d'ailleurs lorsque les chevaliers montent à cheval à travers l'accélération du montage. En revanche, il y a un aspect très systématique (notamment avec les visières du heaume, dans les combats) qui est assez curieux - peut-être est-ce pour rendre compte d'une certaine unité entre les chevaliers ? J'ai été surpris par l'importance de la bande-son qui prévaut presque sur les dialogues. Les scènes entre Lancelot et Guenièvre sont tout de même très belles. |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6882 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 11:57 | |
| Oui les joutes sont très intéressante, mais c'est un peu répétitif et surtout il y a toujours cette dimension très elliptique et volontaire de Bresson qui ne filme que certains détails (les pattes des chevaux, la chute plus que l'impact lui même). Oui c'est cinétique, le mouvement est là, mais je n'y vois pas d'ampleur épique, ce sens de la fuite en avant vers le triomphe ou l'anéantissement totale qui pour moi caractérise l'épopée (et que je retrouve dans Excalibur), ça manque de souffle pour moi, j'ai bien conscience que ça n'est pas vraiment le projet bressonien, mais j'avoue que dans un film qui se rapporte a la légende arthurienne (auquel je suis très attaché) ça me gêne un peu (tout comme le côté cheap qui ici nuit parfois a ma suspension volontaire de l'incrédulité).
En effet dans mon souvenir les scènes entre Lancelot et Guenièvre était ce qui m'avait le plus convaincu (ça et le traitement sonore). |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 15:02 | |
| - Stefano P a écrit:
- Benedictus a écrit:
- Je comprendrais surtout qu'on puisse être agacé par le christianisme obsessionnel (et passablement jansénisant) de Bresson - l'esthétique hiératique et dépouillée, la thématique du péché, de la rédemption et du mystérieux cheminement de la grâce, la dénonciation du monde corrompu et du matérialisme, les figures christiques... Sans même parler du référent: Les Anges du péché, deux fois Bernanos, deux fois Dostoïevski, la symbolique du Graal, Jeanne d'Arc, le projet d'adaptation de la Genèse... Là pour le coup, je conçois qu'on puisse dire «ça va, on a compris», si on est un peu allergique à tout ça.
Oui, mais bon, on pourrait dire la même chose pour Bach et même pour Mozart, avec leurs profusions de messes et de Passions, et en peinture pour Giotto, Fra Angelico, Caravage et tant d'autres, avec tous ces anges, ces madones et ces Christ en croix ; et en littérature : Bossuet, Pascal, Chateaubriand, Claudel, Bernanos. C'est quand même aussi du grand art, tout ça...
Plus sérieusement, il n'y a rien de saint-sulpicien chez Bresson, et un film comme Pickpocket ou L'Argent (et même Balthazar ou Une femme douce finalement) pourrait tout à fait être interprété d'un point de vue matérialiste (et pourquoi pas marxiste, je pense par exemple au cinéma de Gérard Blain, très inspiré par Bresson du point de vue formel mais au contraire du Maître totalement matérialiste). Dans cette oeuvre-là, on est au cœur de la métaphysique, de la poésie (et même de la sensualité, il ne faudrait pas l'oublier !) la plus brûlante ; ceux qui n'y verraient que des bondieuseries auraient une vison très superficielle de ces films prodigieux... C'est la propension qu'a Robert Bresson a systématiquement filmer des personnages subissant d'épouvantables souffrances physiques et/ou morales et mourant brutalement, le plus souvent en se suicidant, qui me laisse septique. Il ne laisse pas entrevoir d'alternative. L'accumulation est quand même terrible, et j'aurais tendance à y voir une trop grande facilité à jouer sur l'effroi provoqué sur le spectateur. Cette façon de faire systématique est, il me semble, assez singulière. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 15:19 | |
| - Stefano P a écrit:
- Plus sérieusement, il n'y a rien de saint-sulpicien chez Bresson, et un film comme Pickpocket ou L'Argent (et même Balthazar ou Une femme douce finalement) pourrait tout à fait être interprété d'un point de vue matérialiste (et pourquoi pas marxiste, je pense par exemple au cinéma de Gérard Blain, très inspiré par Bresson du point de vue formel mais au contraire du Maître totalement matérialiste). Dans cette oeuvre-là, on est au cœur de la métaphysique, de la poésie (et même de la sensualité, il ne faudrait pas l'oublier !) la plus brûlante ; ceux qui n'y verraient que des bondieuseries auraient une vison très superficielle de ces films prodigieux...
Je n'ai rien dit de tel, je suis parfaitement d'accord avec toi (d'ailleurs, heureusement que tu aimes le belcanto, sinon nous serions si souvent d'accord que c'en serait ennuyeux.) D'ailleurs, j'ai bien souligné le côté janséniste de Bresson (et donc anti-sulpicien.) En revanche, chaque fois que je me suis trouvé face à des détracteurs de Bresson, c'est souvent ça qui est revenu: «films pour intellos cathos.» - docteur mabuse a écrit:
- C'est la propension qu'a Robert Bresson a systématiquement filmer des personnages subissant d'épouvantables souffrances physiques et/ou morales et mourant brutalement, le plus souvent en se suicidant, qui me laisse septique. Il ne laisse pas entrevoir d'alternative.
L'accumulation est quand même terrible, et j'aurais tendance à y voir une trop grande facilité à jouer sur l'effroi provoqué sur le spectateur. Cette façon de faire systématique est, il me semble, assez singulière. Je ne sais pas... Moi, je n'ai jamais eu cette sensation d'effroi ou d'absence d'alternative - ce qui arrive à ces personnages est terrible, mais il me semble que la perspective d'un salut, d'une grâce est toujours au moins suggérée (c'est sans doute pour l'âne Balthazar que c'est le plus douteux.) |
| | | Stefano P Mélomaniaque
Nombre de messages : 1404 Date d'inscription : 30/08/2018
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 15:47 | |
| - Parsifal a écrit:
- Oui les joutes sont très intéressante, mais c'est un peu répétitif et surtout il y a toujours cette dimension très elliptique et volontaire de Bresson qui ne filme que certains détails (les pattes des chevaux, la chute plus que l'impact lui même). Oui c'est cinétique, le mouvement est là, mais je n'y vois pas d'ampleur épique, ce sens de la fuite en avant vers le triomphe ou l'anéantissement totale qui pour moi caractérise l'épopée (et que je retrouve dans Excalibur), ça manque de souffle pour moi, j'ai bien conscience que ça n'est pas vraiment le projet bressonien, mais j'avoue que dans un film qui se rapporte a la légende arthurienne (auquel je suis très attaché) ça me gêne un peu (tout comme le côté cheap qui ici nuit parfois a ma suspension volontaire de l'incrédulité).
En effet dans mon souvenir les scènes entre Lancelot et Guenièvre était ce qui m'avait le plus convaincu (ça et le traitement sonore). Justement, c'est le refus de l'ampleur épique et de l'imagerie traditionnelle qui accompagne la geste des chevaliers de la Table Ronde qui caractérise le film de Bresson, qui est effectivement sur ce point l'antithèse absolue de Boorman et de son Excalibur wagnérien. Le Lancelot de Bresson est entièrement construit sur le principe de la métonymie (d'où sans doute l'impression de cheap, mais elle est revendiquée et intentionnelle dans le filmage : le hennissement, c'est le cheval, le cliquètement métallique, c'est l'armure, le verrou qui grince et tressaute, c'est la tempête) ; il nous plonge dans la réalité matérielle des choses, en refusant l'attirail merveilleux qui entoure la légende du graal. C'est très bizarre car lui qui a une réputation de cinéaste chrétien montre ici un Moyen Âge en proie à la cupidité, à la barbarie, à la violence aveugle. La fin avec son amas de ferraille dans la forêt, corps prisonniers de leur carapace comme des homards sanguinolents, tandis que les buses tournent dans le ciel pour se préparer au festin, c'est effectivement tout ce qui reste de l'épopée, et le spectateur doit se débrouiller avec ça, qui est à la fois terrifiant et grandiose... |
| | | Stefano P Mélomaniaque
Nombre de messages : 1404 Date d'inscription : 30/08/2018
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 15:57 | |
| - Benedictus a écrit:
- Stefano P a écrit:
- Plus sérieusement, il n'y a rien de saint-sulpicien chez Bresson, et un film comme Pickpocket ou L'Argent (et même Balthazar ou Une femme douce finalement) pourrait tout à fait être interprété d'un point de vue matérialiste (et pourquoi pas marxiste, je pense par exemple au cinéma de Gérard Blain, très inspiré par Bresson du point de vue formel mais au contraire du Maître totalement matérialiste). Dans cette oeuvre-là, on est au cœur de la métaphysique, de la poésie (et même de la sensualité, il ne faudrait pas l'oublier !) la plus brûlante ; ceux qui n'y verraient que des bondieuseries auraient une vison très superficielle de ces films prodigieux...
Je n'ai rien dit de tel, je suis parfaitement d'accord avec toi (d'ailleurs, heureusement que tu aimes le belcanto, sinon nous serions si souvent d'accord que c'en serait ennuyeux.) D'ailleurs, j'ai bien souligné le côté janséniste de Bresson (et donc anti-sulpicien.) En revanche, chaque fois que je me suis trouvé face à des détracteurs de Bresson, c'est souvent ça qui est revenu: «films pour intellos cathos.» Oui, oui, j'avais compris, je répondais en fait à ceux que tu citais dans ton post, c'est-à-dire ceux qui voient uniquement chez Bresson le côté bondieusard, dont il est est évidemment on ne peut plus éloigné... - Benedictus a écrit:
- docteur mabuse a écrit:
- C'est la propension qu'a Robert Bresson a systématiquement filmer des personnages subissant d'épouvantables souffrances physiques et/ou morales et mourant brutalement, le plus souvent en se suicidant, qui me laisse septique. Il ne laisse pas entrevoir d'alternative.
L'accumulation est quand même terrible, et j'aurais tendance à y voir une trop grande facilité à jouer sur l'effroi provoqué sur le spectateur. Cette façon de faire systématique est, il me semble, assez singulière. Je ne sais pas... Moi, je n'ai jamais eu cette sensation d'effroi ou d'absence d'alternative - ce qui arrive à ces personnages est terrible, mais il me semble que la perspective d'un salut, d'une grâce est toujours au moins suggérée (c'est sans doute pour l'âne Balthazar que c'est le plus douteux.) Et cette propension à la souffrance et à la mort brutale n'est pas si systématique chez Bresson : on ne la retrouve ni dans Les Dames, ni dans le Condamné à mort (qui s'échappe...), ni dans Pickpocket, ni dans les 4 nuits ; après quand il tourne Lancelot ou Jeanne d'Arc, c'est quand même compliqué pour lui de changer la fin... |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6882 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 16:19 | |
| - Stefano P a écrit:
- Justement, c'est le refus de l'ampleur épique et de l'imagerie traditionnelle qui accompagne la geste des chevaliers de la Table Ronde qui caractérise le film de Bresson, qui est effectivement sur ce point l'antithèse absolue de Boorman et de son Excalibur wagnérien. Le Lancelot de Bresson est entièrement construit sur le principe de la métonymie (d'où sans doute l'impression de cheap, mais elle est revendiquée et intentionnelle dans le filmage : le hennissement, c'est le cheval, le cliquètement métallique, c'est l'armure, le verrou qui grince et tressaute, c'est la tempête) ; il nous plonge dans la réalité matérielle des choses, en refusant l'attirail merveilleux qui entoure la légende du graal. C'est très bizarre car lui qui a une réputation de cinéaste chrétien montre ici un Moyen Âge en proie à la cupidité, à la barbarie, à la violence aveugle. La fin avec son amas de ferraille dans la forêt, corps prisonniers de leur carapace comme des homards sanguinolents, tandis que les buses tournent dans le ciel pour se préparer au festin, c'est effectivement tout ce qui reste de l'épopée, et le spectateur doit se débrouiller avec ça, qui est à la fois terrifiant et grandiose...
Oui j'avais bien compris le principe de la métonymie et je me doute bien que le côté cheap est volontaire(de là même manière que le kitsch du Boorman n'est pas qu'une conséquence de l’esthétique années 80 mais aussi un choix conscient et assumés de distanciation semi-parodique, comme dans son Zardoz qui allait peut être un peu trop loin dans cette direction). Mais même pour désidéaliser le moyen age, loin de l'imagerie préraphaélite-Tennysoniene, je trouve que ça pose problème ce côté cheap, j'ai parfois du mal a croire a cette réalité matérielle. Pour être plus clair je vois ou est l'ambition et ou Bresson veut se diriger mais ça ne fonctionne qu'a moitié pour moi (effectivement le plus impressionnant c'est le traitement sonore) du coup je me suis un peu ennuyé. Alors que Le Procès de Jeanne d'Arc (pour rester dans le médiéval) est pour moi un film quasiment parfait. |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 18:50 | |
| - Stefano P a écrit:
- C'est très bizarre car lui qui a une réputation de cinéaste chrétien montre ici un Moyen Âge en proie à la cupidité, à la barbarie, à la violence aveugle.
Ça n'est bizarre qu'à première vue - en fait, la dénonciation de la «chevalerie terrestre» au regard de l'idéal chrétien de «chevalerie célestielle» est une des tendances idéologiques présentes chez les rédacteurs des récits du Graal (Michel Zink l'avait très bien montré dans son cours de 2008-2009 au Collège de France, ici: https://www.college-de-france.fr/site/michel-zink/course-2008-2009.htm) - Parsifal a écrit:
- Mais même pour désidéaliser le moyen age, loin de l'imagerie préraphaélite-Tennysoniene, je trouve que ça pose problème ce côté cheap, j'ai parfois du mal a croire a cette réalité matérielle.
Ah, au contraire, je pense que nous sommes beaucoup de médiéviste à trouver au contraire que c'est, de toutes les représentations du Moyen Âge au cinéma, une des plus concrètement crédibles (je crois d'ailleurs me souvenir qu'un très grand historien du Moyen Âge - Duby? Le Goff? - avait participé au tournage comme conseiller technique.) |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6882 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 19:31 | |
| - Benedictus a écrit:
- Parsifal a écrit:
- Mais même pour désidéaliser le moyen age, loin de l'imagerie préraphaélite-Tennysoniene, je trouve que ça pose problème ce côté cheap, j'ai parfois du mal a croire a cette réalité matérielle.
Ah, au contraire, je pense que nous sommes beaucoup de médiéviste à trouver au contraire que c'est, de toutes les représentations du Moyen Âge au cinéma, une des plus concrètement crédibles (je crois d'ailleurs me souvenir qu'un très grand historien du Moyen Âge - Duby? Le Goff? - avait participé au tournage comme conseiller technique.) Ah mais c'est tout a fait possible que ça soit historiquement authentique, ça ne veut pas dire que c'est crédible a l'écran Sur le ton et l'atmosphére j’admets que c'est sans doute authentiques (plus que la plupart des représentation cinématographique du moyen age en tout cas) mais le dépouillement extrême fait paradoxalement ressortir que tout est "faux" que ça n'est qu'un film. De là je n'adhére pas a cette réalité matérielle montré a l'écran. De toute façon si j'aime Bresson c'est un peu en dépit de son système (les modèles, le cinéma qui utilisé les moyens du théâtre opposé au cinématographe, le refus des artifices traditionnels etc) je pense personnellement tous le contraire, c'est d'ailleurs peut être pour ça que j'ai plus de mal avec ses derniers films qui me semble radicalisé les principes des notes sur le cinématographe. Jacques Le Goff c'était pas plutôt sur Perceval le gallois? (le même Le Goff qui proclamait son admiration pour Promenade avec l'Amour et la Mort film magnifique de Huston) |
| | | Benedictus Mélomane chevronné
Nombre de messages : 15565 Age : 49 Date d'inscription : 02/03/2014
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 19:43 | |
| - Parsifal a écrit:
- Ah mais c'est tout a fait possible que ça soit historiquement authentique, ça ne veut pas dire que c'est crédible a l'écran
Sur le ton et l'atmosphére j’admets que c'est sans doute authentiques (plus que la plupart des représentation cinématographique du moyen age en tout cas) mais le dépouillement extrême fait paradoxalement ressortir que tout est "faux" que ça n'est qu'un film. De là je n'adhére pas a cette réalité matérielle montré a l'écran. Ce que je n'arrive vraiment toujours pas à percevoir, c'est ce qui, pour toi, fait que ce serait particulièrement peu crédible à l'écran - je veux plus que n'importe quel autre film. Ce ne devait pas être Le Goff, alors... Je crois aussi me souvenir que Gracq était venu en voisin et comme conseiller littéraire officieux sur le tournage de Lancelot. (Oui, Promenade avec l'amour et la mort, c'est magnifique...)
Dernière édition par Benedictus le Jeu 30 Mai 2019 - 20:19, édité 1 fois |
| | | Parsifal Mélomane chevronné
Nombre de messages : 6882 Age : 32 Date d'inscription : 06/01/2011
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Jeu 30 Mai 2019 - 19:55 | |
| - Benedictus a écrit:
- Parsifal a écrit:
- Ah mais c'est tout a fait possible que ça soit historiquement authentique, ça ne veut pas dire que c'est crédible a l'écran
Sur le ton et l'atmosphére j’admets que c'est sans doute authentiques (plus que la plupart des représentation cinématographique du moyen age en tout cas) mais le dépouillement extrême fait paradoxalement ressortir que tout est "faux" que ça n'est qu'un film. De là je n'adhére pas a cette réalité matérielle montré a l'écran. Ce que je n'arrive vraiment toujours pas à percevoir, c'est ce qui, pour toi, fait que ce serait particulièrement peu crédible à l'écran - je veux plus que n'importe quel autre film. Je ne saurais pas te l'expliquer c'est un ressenti très personnel, j'ai revu des bouts du film du coup, il y a ces combats qui ouvre le film qui m'évoque vraiment une version sérieuse (et donc encore plus ridicule) du combat de Sacré Graal, il y a cet aperçu d'une table ronde en bois assez peu impressionnante, pourquoi pas mais ce qui me gêne c'est qu'elle respire le neuf, comme si elle venait juste d'être livrer par Ikea. Ce sont des petits détails comme ça qui accroche systématiquement mon regard (parce que justement c'est tellement dépouillé que ça se remarque immédiatement). Après les armures cabossé qui grincent sont effectivement très bien, la grange un peu salle ou se retrouve Lancelot et Guenièvre passe aussi très bien, tout comme le traitement sonore. Mais je trouve que la sécheresse de l'ensemble est paradoxalement "distrayante". - Benedictus a écrit:
- Ce ne devait pas être Le Goff, alors... Je crois aussi me souvenir que Gracq était venu en voisin et comme conseiller littéraire officieux sur le tournage de Lancelot.
Je ne suis pas sur non plus pour son intervention sur Perceval le gallois, mais il me semble avoir lu quelque chose de lui ou sur lui relatif au Rohmer. Gracq ça ne m'étonne pas par contre! |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 31 Mai 2019 - 0:15 | |
| Hirokazu Kore-eda : Hana 2006 + Un Kore-eda nettement moins bon que ceux que j'ai vus, dans un registre nettement plus comique. On sent toutefois les préoccupations du réalisateur qui s'attaque ici à la figure du samouraï qu'il trivialise immédiatement - cf. les séquences à propos des galettes de riz. C'est assez intéressant d'une certaine manière, connaissant le rôle d'importance que tient cette figure dans le cinéma japonais - notamment chez Kurosawa mais aussi dans quelques Mizoguchi - toujours d'une grande puissance, il est ici particulièrement impuissant - cf. la séquence d'apprentissage du sabre pour le petit ou même le film tout entier où il peine grandement à se venger. Le film est cependant bien long et la réflexion que porte Kore-eda à l'écran est tout de même un peu sommaire ; l'aspect comique fonctionne plutôt bien même s'il est parfois un peu lourd. C'est à mon avis un Kore-eda plutôt anecdotique.
Dernière édition par Emeryck le Lun 8 Juil 2019 - 19:20, édité 1 fois |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 31 Mai 2019 - 11:02 | |
| Robert Bresson : Le diable probablement 1977 + / J'ai finalement bien aimé ce film. Bresson met à nouveau la jeunesse en sorte de son cadre pour un film nettement plus politique et critique. Comme le disait StefanoP un peu au-dessus, le propos écologique peut sembler un peu caricatural ; je me demande si à l'époque, la prise de conscience écologique était si vive - évidemment, aujourd'hui, ça semble totalement convenu. L'argent joue un rôle ici particulièrement important, d'une importance croissante au fil de l'avancée du film - ce que le dernier plan corrobore parfaitement. Le petit problème que j'ai eu avec le film, c'est que je n'ai pas vraiment su distinguer les frontières de l'ironie à l'oeuvre. J'ai malgré tout trouvé une grande beauté dans le film et notamment dans la trajectoire (enfin, le sur-place, plutôt ) de Charles. J'aime beaucoup l'affiche - même si elle est simple - et surtout, le titre ! |
| | | Stefano P Mélomaniaque
Nombre de messages : 1404 Date d'inscription : 30/08/2018
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 31 Mai 2019 - 16:21 | |
| - Emeryck a écrit:
- Robert Bresson : Le diable probablement
1977 + / J'ai finalement bien aimé ce film. Bresson met à nouveau la jeunesse en sorte de son cadre pour un film nettement plus politique et critique. Comme le disait StefanoP un peu au-dessus, le propos écologique peut sembler un peu caricatural ; je me demande si à l'époque, la prise de conscience écologique était si vive - évidemment, aujourd'hui, ça semble totalement convenu. L'argent joue un rôle ici particulièrement important, d'une importance croissante au fil de l'avancée du film - ce que le dernier plan corrobore parfaitement. Le petit problème que j'ai eu avec le film, c'est que je n'ai pas vraiment su distinguer les frontières de l'ironie à l'oeuvre. J'ai malgré tout trouvé une grande beauté dans le film et notamment dans la trajectoire (enfin, le sur-place, plutôt ) de Charles. J'aime beaucoup l'affiche - même si elle est simple - et surtout, le titre ! Le moment que je préfère, c'est à la toute fin, quand ils marchent vers le cimetière ; Charles s'arrête devant une fenêtre entrouverte où on aperçoit une télévision qui diffuse le début de l'adagio du concerto pour piano n. 23 de Mozart ; il écoute un moment, mais il continue sa route ; c'est visiblement trop tard... |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 31 Mai 2019 - 17:07 | |
| Michel Deville : Le mouton enragé 1974 Je suis très partagé sur ce film : le scénario est très dynamique, l'aspect comique acerbe fonctionne vraiment bien, le trio Schneider- Trintignant- Cassel fonctionne vraiment bien. Trintignant en mouton puis, comme l'indique le titre, il devient soudainement enragé - mais toujours un mouton quand même tant le personnage joué par Cassel le tient par le collier. Cependant, mon problème avec ce film, c'est l'aspect moralement douteux du scénario : le personnage de Trintignant répète sans cesse que son but est "d'être riche et de coucher avec plein de femmes", la position de la femme dans le film, franchement... (à part peut-être le personnage de Flora qui donne du fil à retordre au personnage joué par Trintignant) - la femme jouée par Schneider se désigne à un moment comme un "dessert" et un "plat de résistance" ; sans parler des propos douteux sur le viol au début du film. Cet aspect Dom Juan n'a en plus aucune importance essentielle dans le scénario - on eût très bien pu le remplacer par le vol ou le meurtre - mais bon, ça permet de montrer des femmes nues, voilà! Je ne sais même pas si c'est juste une "maladresse" scénaristique ou si c'est volontaire de laisser planer le doute - ce qui serait parfaitement dégueulasse. Je ne sais pas si c'est moi qui joue mon SJW mais j'ai trouvé que ça entachait beaucoup le film. Sinon, quelques mots sur la photographie qui est assez terne et parfois Deville tente des choses pour donner de la dynamique au montage (déjà très serré) mais ce n'est pas une grande réussite. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Ven 31 Mai 2019 - 23:58 | |
| Hirokazu Kore-eda : Still walking 2008 / + Après Hana, Kore-eda revient à quelque chose de beaucoup plus classique et c'est une réussite. Le film se passe durant une fête familiale organisée pour le deuil d'un des membres de la famille. Cela va permettre à Kore-eda d'aborder bien des thèmes : celui du deuil (évidemment), celui de la transmission et cela va lui permettre également de s'inscrire dans le sillage des réalisateurs nippons qui l'ont précédé en questionnant cet élément central qu'est la famille. Tout d'abord, malgré ce qu'il se passe, le film ne prendra jamais une tonalité sombre, le deuil est plutôt sous-jacent - il y a notamment cette scène où la grand-mère dit qu'elle invite le responsable de la mort de son fils tous les ans pour décharger sa violence sur lui. Quant à la question de la transmission, il y a une véritable transmission des coutumes (légèrement mutées comme en témoignent les scènes de cuisine) mais c'est surtout autour du travail que ça se joue : tout le monde essaie de suivre la voie de son père (médecin, accordeur de piano) parfois sans réel succès ; le personnage du docteur semble d'ailleurs avoir du mal à passer le flambeau - cf. la scène à la fin avec les ambulanciers où il rappelle qu'il est docteur. Dans sa première partie, le film est très statique, avec des plans très chargés, la famille semble insécable - à part peut-être le grand-père - et tout à coup, la singularité des personnages se dévoile et le film se fait plus mouvant, suivant les trajectoires individuelles. Apparemment, Kore-eda aurait réalisé ce film à la suite du décès de sa mère. - Spoil:
La fin est également très belle et très touchante : la mort des grand-parents annoncée en voie off pendant qu'on les voit monter les escaliers tous les deux et puis le fils qui dit qu'il n'a pas pu accomplir ce que les grand-parents auraient aimé mais sans jamais sombrer dans quelque chose de larmoyant.
|
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 1 Juin 2019 - 11:37 | |
| Ingmar Bergman : L'heure du loup 1968 + Un très grand Bergman, très labyrinthique à la photographie noir et blanc extrêmement contrastée, superbement restaurée. Le début du film rappelle la proximité temporelle avec les films insulaires de Bergman comme Une passion : un monologue face à la caméra de Liv Ullmann, un couple déjà détruit - même extérieurement ici puisqu'elle cherche son compagnon. Cette première partie est comme un prélude, une ouverture - Bergman nous montre à nouveau son affection pour le théâtre à travers cette superbe scène de théâtre miniature, éclairée à la bougie. Dès l'apparition du second écran-titre, ça y est, le film se déploie - le personnage joué par von Sydow nous explique que l'heure du loup est celle où l'on meurt, où l'on naît et qui fait peur : le ton est donné. C'est ensuite une grande plongée dans les cauchemars et dans l'inconscient de l'artiste que joue von Sydow, la photographie est déjà plus sombre ; meurtre, violence, jeu de masques... et puis soudain, von Sydow interpelle le spectateur, comme une sonnerie de réveille avec une phrase comme "ça y est, le miroir est brisé mais que reflète-t-il, maintenant ?" (le temps qui passe est également un élément important dans le film, ne serait-ce que dans le titre, ou même dans ces cliquetis d'horloge). C'est également de très grandes performances de Ullmann et von Sydow. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 1 Juin 2019 - 16:37 | |
| Robert Bresson : L'argent 1983 + / J'ai (encore une fois) beaucoup aimé. Comme le disait Benedictus ci-dessus, le film a un rythme incroyable et surtout dans sa première partie, l'interlude champêtre nous laissant un peu le temps de respirer. La scène du début donne déjà la tonalité du film : un jeune homme entre dans le bureau de son père lui rappelant qu'on est "le premier du mois", le père ouvre son tiroir sort l'argent immédiatement comme si l'argent passait au-delà du langage ; le plan-titre donne lui aussi peut-être la tonalité du film : un distributeur de billets se referme. Le diable probablement était déjà assez pessimiste mais pas totalement ; L'argent est dans cette lignée pessimiste mais de façon absolue et terrible. Le film est une sorte de réaction en chaîne alliée à une surenchère constante qui part de quelque chose d'assez anodin et d'un quidam - la scène finale est d'ailleurs remarquable de ce point de vue, je trouve, comme si les gens attendaient leur vision du criminel. L'espace carcéral mis-à-part, il y a quelque chose qui se rapproche de Un condamné à mort s'est échappé : dans L'argent, on a beaucoup de plans sur des mains qui s'échangent souvent de l'argent (ou parfois des tickets de cantine), on avait déjà ce genre de plans dans Un condamné à mort s'est échappé pour les échanges de lettres. |
| | | Stefano P Mélomaniaque
Nombre de messages : 1404 Date d'inscription : 30/08/2018
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 1 Juin 2019 - 17:01 | |
| - Emeryck a écrit:
- Robert Bresson : L'argent
1983 + / J'ai (encore une fois) beaucoup aimé. Comme le disait Benedictus ci-dessus, le film a un rythme incroyable et surtout dans sa première partie, l'interlude champêtre nous laissant un peu le temps de respirer. La scène du début donne déjà la tonalité du film : un jeune homme entre dans le bureau de son père lui rappelant qu'on est "le premier du mois", le père ouvre son tiroir sort l'argent immédiatement comme si l'argent passait au-delà du langage ; le plan-titre donne lui aussi peut-être la tonalité du film : un distributeur de billets se referme. Le diable probablement était déjà assez pessimiste mais pas totalement ; L'argent est dans cette lignée pessimiste mais de façon absolue et terrible. Le film est une sorte de réaction en chaîne alliée à une surenchère constante qui part de quelque chose d'assez anodin et d'un quidam - la scène finale est d'ailleurs remarquable de ce point de vue, je trouve, comme si les gens attendaient leur vision du criminel. L'espace carcéral mis-à-part, il y a quelque chose qui se rapproche de Un condamné à mort s'est échappé : dans L'argent, on a beaucoup de plans sur des mains qui s'échangent souvent de l'argent (ou parfois des tickets de cantine), on avait déjà ce genre de plans dans Un condamné à mort s'est échappé pour les échanges de lettres. Le rythme serré du film vient beaucoup du montage et de cette incroyable série de portes qui s'ouvrent et se ferment en saturant l'espace du film tout en l'ouvrant en permanence. Tout le film est aussi marqué par la thématique du hasard et par cette présence démoniaque de l'argent, déjà très évidente dans le film précédent. Et sur le traitement de la violence, c'est aussi magistral, avec la scène du meurtre où l'on ne voit (presque) rien et qui réussit à être terrifiante. Pour moi c'est un des plus grands films qui a jamais été tournés... |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 1 Juin 2019 - 17:06 | |
| - Stefano P a écrit:
- Emeryck a écrit:
- Robert Bresson : L'argent
1983 + / J'ai (encore une fois) beaucoup aimé. Comme le disait Benedictus ci-dessus, le film a un rythme incroyable et surtout dans sa première partie, l'interlude champêtre nous laissant un peu le temps de respirer. La scène du début donne déjà la tonalité du film : un jeune homme entre dans le bureau de son père lui rappelant qu'on est "le premier du mois", le père ouvre son tiroir sort l'argent immédiatement comme si l'argent passait au-delà du langage ; le plan-titre donne lui aussi peut-être la tonalité du film : un distributeur de billets se referme. Le diable probablement était déjà assez pessimiste mais pas totalement ; L'argent est dans cette lignée pessimiste mais de façon absolue et terrible. Le film est une sorte de réaction en chaîne alliée à une surenchère constante qui part de quelque chose d'assez anodin et d'un quidam - la scène finale est d'ailleurs remarquable de ce point de vue, je trouve, comme si les gens attendaient leur vision du criminel. L'espace carcéral mis-à-part, il y a quelque chose qui se rapproche de Un condamné à mort s'est échappé : dans L'argent, on a beaucoup de plans sur des mains qui s'échangent souvent de l'argent (ou parfois des tickets de cantine), on avait déjà ce genre de plans dans Un condamné à mort s'est échappé pour les échanges de lettres. Le rythme serré du film vient beaucoup du montage et de cette incroyable série de portes qui s'ouvrent et se ferment en saturant l'espace du film tout en l'ouvrant en permanence. Tout le film est aussi marqué par la thématique du hasard et par cette présence démoniaque de l'argent, déjà très évidente dans le film précédent. Et sur le traitement de la violence, c'est aussi magistral, avec la scène du meurtre où l'on ne voit (presque) rien et qui réussit à être terrifiante. Pour moi c'est un des plus grands films qui a jamais été tournés... Oui, c'est sûr, de toute façon, le montage des films de Bresson est toujours très fulgurant ; les portes, pareil, on les retrouve dans beaucoup de ses films, et notamment dans Une femme douce, ça m'avait particulièrement marqué. Oui, c'est vrai que la scène du meurtre est sidérante. - Spoil:
Moi, je pensais qu'il n'allait pas tuer la grand-mère, c'est terrible.
Je n'irai pas jusque là mais c'est un très grand film, c'est certain ! |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Sam 1 Juin 2019 - 23:36 | |
| Hirokazu Kore-eda : Air doll 2009 + Après un retour à quelque chose de classique avec Still walking, Kore-eda essaie à nouveau de sortir des sentiers battus avec ce film et je ne placerais pas parmi ses meilleurs films. Grossièrement, c'est l'histoire d'une poupée en plastique qui prend vie ; avec tout ce que ça implique notamment la découverte du monde d'un œil vierge. Je suis assez partagé sur ce film car il y a tout de même des moments bien niais (parfois touchants mais parfois juste niais) et à côté de ça, il y a de beaux moments (à la fin, lorsque la poupée s'imagine souffler les bougies de son premier anniversaire et souffle sur le seul pissenlit qui traîne sur le trottoir) ; il y a également une peinture assez noire et désespérante de la société japonaise où l'usage de poupées gonflables pour pallier à la solitude semble assez répandu - la scène de lavage du vagin artificiel souillé est vraiment glauque - et cela semble convenir aux protagonistes et notamment le premier qui, lorsque la poupée prend vie, lui demande si elle peut rester à son état d'objet, ce qui entraîne le départ de cette dernière. J'ai trouvé le film un peu long, Kore-eda ne semble pas véritablement à l'aise sur les terres du fantastique et offre un film en demi-teinte. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Dim 2 Juin 2019 - 10:23 | |
| Teinosuke Kinugasa : Une page folle 1926 + C'est absolument fou, ce film. Il s'agit d'un film ouvertement expérimental n'accordant pas le primat au sens - l'auteur a retiré tous les intertitres et le film est muet - mais à l'expérimentation visuelle ; ça donne finalement quelque chose de visuellement très puissant, très exalté, avec beaucoup d'images en surimpression où les temporalités s'enchevêtrent. Il y a tout de même un fil conducteur qui réside dans la représentation de la folie, assez terrifiante, d'ailleurs. C'est vraiment à voir, je trouve. |
| | | Belcore Mélomaniaque
Nombre de messages : 1048 Date d'inscription : 28/09/2017
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Dim 2 Juin 2019 - 10:59 | |
| Le fils de Saul - Lazlo Nemes - 2015
Je suis tombé sur ce film par hasard : c'est un film d'une force incroyable : il décrit la vie et surtout la mort dans un camp d'extermination : Birkenau - le protagoniste principal est membre d'un Sonderkommando, chargé d'incinérer les cadavres des morts des chambres à gaz - parmi ceux - ci il croit reconnaitre le corps de son fils et il s'emploie à lui donner une sépulture digne : l'enterrer avec les rites judaïques - c'est un soupçon d'humanité dans un pandémonium de souffrance et de mort - bien qu'omniprésente, l'extermination de masse n'est pas montrée, mais elle conditionne l'existence des déportés qui savent qu'à n'importe quel moment ils peuvent et seront fatalement exterminés. Et puis il y a une séquence proprement démente : la machine de mort est débordée ; on comprend alors que les arrivants de certains convois ne mourront pas dans les chambres à gaz, mais sont brulés vifs.
https://www.huffingtonpost.fr/2015/11/04/le-fils-de-saul-shoah-representation-camps-extermination_n_8452384.html
Belcore |
| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33411 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Dim 2 Juin 2019 - 15:02 | |
| - Belcore a écrit:
- bien qu'omniprésente, l'extermination de masse n'est pas montrée
Oui, mais en réalité, il y a une scène que personnellement je trouve encore plus insupportable que de montrer ces massacres de masse (qui effectivement ne sont pas filmés) : quand un officier SS empêche de respirer un enfant qui a survécu à la chambre à gaz … en chronométrant … J'ai rarement vu qq ch d'aussi insupportable au cinéma que cette scène. _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Dim 2 Juin 2019 - 23:40 | |
| Hirokazu Kore-eda : I wish 2011 / + Sept ans après Nobody knows, Kore-eda remet l'enfance au centre de son cadre et ceci avec la même justesse de ton, la même beauté. L'histoire est peut-être moins fouillée - avec notamment quelques légers ralentissements dans la première partie mais le résultat est finalement assez différent de Nobody knows. Pour résumer sommairement, I wish c'est l'histoire de deux frères dont la famille est géographiquement scindée - Kore-eda mène déjà cette interrogation sur la famille qui culminera dans ses deux films suivants et dans son dernier film Une affaire de famille - et qui espèrent se retrouver grâce à l'ouverture imminente d'une ligne de train à grande vitesse entre leurs villes. Les enfants, la famille, on pourrait penser à Ozu mais je trouve que c'est essentiellement bien différent : dans ce film, par exemple, les enfants semblent trouver un véritable terrain d'entente avec leur grand-parents alors que les parents ne semblent pas particulièrement attentifs (surtout le père musicien) alors que chez Ozu (dans Voyage à Tokyo, par exemple, on voit bien que le fossé entre les grand-parents et les petits enfants est grand). Ce que j'ai trouvé très beau dans ce film, c'est l'insouciance, la spontanéité (cf. la sortie de l'enfant dans le dernier plan du film ; ce dernier plan est d'ailleurs très intéressant pour la manière dont il inscrit le film comme un épisode dans une temporalité et donne un véritablement sentiment de continuité) mais surtout la détermination des enfants pour mener à bien leurs vœux (dont l'un sera particulièrement violent, preuve de la détermination incroyable de ces enfants) - le titre est d'ailleurs très parlant à propos de cette dimension profondément active. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 3 Juin 2019 - 11:42 | |
| Stanley Kubrick : The killing 1956 + J'ai bien aimé, l'aspect très chirurgical ne m'a pas dérangé. Kubrick agit ici en horloger méticuleux : d'une part, il met en scène des types du film noir - cela peut donc sembler caricatural et d'autre part, il met vraiment l'accent sur le temps, qui fait du casse un véritable mécanisme de précision - à travers la voix-off qui met l'accent sur la précision des heures. Cependant, Kubrick montre aussi (non sans humour) que des choses en apparence anodines peuvent tout faire dérailler - la scène finale est très amusante de ce point de vue. Ce que j'ai aimé, c'est le fait que Kubrick donne une cartographie très détaillée en multipliant les points de vue quitte à tordre un peu la temporalité. Il n'y a rien de fondamentalement neuf mais c'est mené avec une certaine intelligence et une mise en scène efficace. |
| | | Emeryck Mélomane chevronné
Nombre de messages : 14430 Age : 26 Localisation : Bochum. Date d'inscription : 27/07/2012
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 3 Juin 2019 - 17:41 | |
| Brian de Palma : Scarface 1983 + J'appréhendais un peu mais j'ai bien aimé, finalement. Sans aimer les musiques de Moroder, j'ai trouvé que de Palma instaurait une atmosphère immersive dans les États-Unis de l'époque (dans la vision que j'en ai ; ça n'a du coup peut-être pas beaucoup de sens étant donné que ce film a nourri (de manière très diverse, parfois même ridicule) les imaginaires) - parfois avec beaucoup d'ironie : il y a notamment ce passage au début du film où la caméra est plaquée sur une pancarte avec des palmiers, et un mouvement de caméra vers le bas nous amène vers le petit fast-food dans lequel travaillent Tony et son ami. La performance d'Al Pacino est évidemment remarquable, systématiquement survolté, qui peut sembler profondément destructeur mais au fond profondément humain - ce qui le conduira à sa perte, d'ailleurs ; avec les mécanismes d'autodestruction, omniprésents dans le film. D'ailleurs, de Palma joue beaucoup sur les hiérarchies (inhérentes au milieu) et insiste beaucoup sur les transferts par les mouvements de caméra (arrivée de Elvira par l'ascenseur ou même dans la séquence précédemment évoquée, chute finale de Tony) ; c'est sans doute un peu critique vis à vis du rêve américain. |
| | | Cololi chaste Col
Nombre de messages : 33411 Age : 43 Localisation : Bordeaux Date d'inscription : 10/04/2009
| Sujet: Re: Votre dernier film visionné Lun 3 Juin 2019 - 21:34 | |
| Il ne fallait pas douter ! C'est génial comme film, tout simplement (et ce n'est pas facile … car après tant de films faits sur Al Capone … il fallait le faire). _________________ Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui - Georges Bernanos (Sous le Soleil de Satan)
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